19h13 CEST
02/07/2025
Le courage dans le sport a pris une signification toute personnelle pour la footballeuse nigériane Blessing Illivieda, au cours des dernières semaines. Le 23 mai, quelques jours seulement avant qu'elle ne soit censée se rendre à un camp d'entraînement des Super Falcons, le monde de la jeune femme de 27 ans a changé à jamais, lorsque son mari, Ibrahim Abiola, est décédé subitement, après une courte maladie.
"Il me manque tellement", a déclaré Illivieda à la BBC.
"J'ai une photo de lui que je regarde avant de sortir à l'entraînement, et je lui dis de veiller sur moi pendant que je poursuis les rêves que nous avions tous les deux pour ma carrière. C'était ma deuxième sélection en équipe nationale et il était très excité pour moi. Il avait prévu de venir voir notre match (contre le Cameroun)", raconte-t-elle.
"Je m'attendais à ce qu'il vienne me voir jouer comme il l'avait promis. C'était une surprise quand on m'a appelé [et dit] qu'il était malade et admis à l'hôpital. Il est mort deux jours plus tard", se souvient Blessing Illivieda.
Malgré sa tristesse, Illivieda a pris une décision que peu de gens auraient eu la force de prendre.
Après avoir consulté les membres de sa famille, elle a choisi de rejoindre ses coéquipières en équipe nationale.
"Tout le monde ne comprendra pas, a reconnu la défenseure. La sœur aînée de mon mari a dit que même si je pleure jusqu'à demain, ce qui est arrivé est arrivé. J'ai parlé avec ma mère et lui ai dit que je ne voulais pas aller au camp. Elle m'a dit d'y aller et de l'utiliser pour honorer mon mari."
"Ce n'est pas facile pour moi, mais l'entraînement est une façon d'honorer sa mémoire", ajoute-t-elle.
Alors que le Nigeria se prépare pour la Coupe d'Afrique des nations féminine 2024 (CAN féminine), la sympathie qu'elle a reçue après sa défaite s'est mêlée à la remise en question de sa décision.
Illivieda était une remplaçante non utilisée lors de la victoire contre le Cameroun, 2-0, le 3 juin, mais sa propre conviction n'a jamais vacillé.
"Les gens parleront toujours, mais je suis concentrée sur le fait de transformer ma douleur en victoire", soutient-elle.
Ibrahim avait joué au football pour le Nigeria, avec les petites catégories, et son mariage avec Illivieda était ancré dans le respect mutuel et l'ambition partagée.
Après s'être mariés le 21 janvier 2023, le couple a fait face aux pressions sociétales habituelles qui pèsent lourdement sur les jeunes mariés dans de nombreuses communautés africaines.
"Il y a toujours eu des préoccupations concernant notre mariage. [Il y avait] la pression de la famille et des beaux-parents, qui souhaitaient que nous commencions à avoir des enfants peu de temps après notre mariage", se souvient-elle.
Mais Ibrahim était heureux d'avoir choisi d'être parent plus tard.
"Mon mari a toujours soutenu ma carrière et m'a encouragée, même quand il était difficile de concilier mariage et football professionnel", a dit Blessing Illivieda.
"Il voulait vraiment que je porte les couleurs nationales et que j'aille plus loin que lui."
Cette ambition alimente désormais chacun de ses mouvements, même en dehors du terrain, alors qu'elle cherche à tenir la promesse qu'ils se sont faite.
Dans de nombreuses régions d'Afrique, le veuvage s'accompagne de rituels qui incluent des périodes de deuil imposées et des moments de retrait de la vie publique.
Ces traditions, souvent façonnées par le patriarcat, prennent rarement en compte les ambitions personnelles ou les besoins émotionnels d'une femme en deuil.
La défiance silencieuse d'Illivieda n'est pas un rejet de la culture locale, mais un appel à une compréhension plus large du deuil.
Elle a puisé de la force à la fois dans sa foi chrétienne et dans le souvenir des encouragements de son mari.
"Dieu est le réconfort ultime, a-t-elle dit. Je trouve du réconfort en Lui et dans les souvenirs du soutien que mon mari m'a apporté."
Son message aux autres veuves, en particulier aux femmes plus jeunes confrontées à des pressions similaires, est simple mais puissant. "Ce que vous produisez à partir de votre douleur fait de vous une gagnante. Votre victoire après vos luttes et votre tristesse est ce qui compte", leur dit-elle.
Illivieda est la capitaine des Bayelsa Queens. Seulement huit jours avant la mort d'Ibrahim, le club a remporté son deuxième titre de la Nigeria Women's Football League, la Ligue féminine de football du Nigeria.
Elle est capable d'évoluer sur les deux flancs en tant que latérale. La saison dernière a été l'une des plus intenses et des plus gratifiantes de sa carrière.
"C'est mon deuxième titre avec l'équipe et je suis fière de nos performances, s'est-elle réjouie. Je motivais constamment les filles à rester concentrées sur ce que nous voulions accomplir."
Malgré sa polyvalence, Illivieda ne fait pas partie de la sélection finale de 26 joueuses du Nigeria pour les phases finales de la CAN Féminie, la Coupe d'Afrique des nations féminine.
Les Nigérianes se rendront au Maroc pour tenter de s'imposer comme la plus puissante équipe de football féminin du continent.
Les Super Falcons ont remporté un neuvième titre de la CAN Féminine, un record, en 2018. Elles ont pris la quatrième place de la dernière édition du tournoi, en 2022.
"Je continuerai à prier pour que l'équipe réussisse, a dit Illivieda. Nous sommes le géant du football féminin africain. Nous pouvons le refaire."
Alors que ses coéquipières se préparent à affronter le reste du continent, Illivieda porte en elle le souvenir d'un homme qui croyait en elle. Elle reste déterminée à le rendre fier.