04h12 CEST
27/05/2025
Deux mois d'audience pour rien ? Le procès sur la mort de Maradona était mardi sur le fil du rasoir, à risque de nullité, après la mise en cause d'une des juges, soupçonnée d'avoir collaboré à l'insu de tous à un documentaire mais qui s'est défendue de toute "irrégularité".
Après sept jours de suspension, le procès a repris mardi à San Isidro (nord de Buenos Aires) pour juger sept professionnels de santé - médecins, psychiatre, psychologue, infirmiers - accusés de négligences ayant potentiellement entraîné la mort de l'astre du football, en novembre 2020 sur un lit de convalescence à domicile, en post-neurochirurgie.
Reprise d'audience, mais pour combien de temps ? Plusieurs avocats, dont Fernando Burlando, médiatique défenseur des filles aînées de Maradona, sont résolus à demander la récusation de la juge Julieta Makintach, l'une des trois magistrates du procès. Voire le dessaisissement des trois.
D'emblée, la magistrate a pris la parole mardi, pour se défendre contre toute "partialité", niant avoir fait "quoi que ce soit d'irrégulier" sinon avoir "donné une interview à une amie d'enfance, parlant de la justice", dans le but de "rapprocher la justice de la société".
- "Opération pour me dessaisir" -
"Il n'y aucun délit ou manquement à la fonction. Ce qu'il peut y avoir est une vaste opération médiatique pour me dessaisir", a insisté la pénaliste de 47 ans. "Je ne vais pas me dessaisir, ni provoquer la nullité des débats, parce qu'ils ne le méritent pas".
Le doute initial est né de la présence en audience, en mars aux premiers jours du procès, de personnes paraissant filmer les débats, où les caméras étaient strictement interdites. Plusieurs parties soupçonnaient alors la connivence d'une magistrate.
Mme Makintach a démenti avoir participé à une production audiovisuelle sur le procès, mais une série de perquisitions depuis une semaine - depuis les demandes de récusation-, puis la diffusion de vidéos dans la presse, ont affaibli sa position.
Des images de vidéosurveillance ont montré la juge parcourant, le dimanche juste avant le procès, les locaux du tribunal, filmée par une équipe, avec plusieurs prises, donnant des bouts d'interview, sur son métier, mais aussi sur le début du procès.
Depuis la semaine dernière, certaines parties spéculent sur le fait que le procès pourrait se poursuivre, avec un nouveau juge nommé en cas de dessaisissement de Julieta Makintach. D'autres, avocats ou observateurs extérieurs, penchent pour la nullité.
Après exposé par les parties, le tribunal doit se prononcer mardi sur le scénario: récusation ou pas, poursuite du procès, annulation.
Le procureur Patricio Ferrari a accusé la juge d'avoir "menti à tous". Et "agi comme une actrice, non comme une juge, dans une téléréalité".
"C'est un scandale d'une ampleur telle que le monde entier parle de la justice argentine comme du pire des exemples", a fulminé Me Burlando ce week-end, remonté contre la "négligence" du tribunal de San Isidro et le "narcissisme" de la magistrate.
- "Ceci est vicié" -
"Le procès ne peut pas continuer, il doit être annulé, même si c'est une honte et un manque total de respect pour Maradona, ses sœurs, ses filles et tous les Argentins qui veulent une justice équitable", a estimé pour l'AFP Adrian Tenca, pénaliste et professeur de droit à l'Université de Buenos Aires.
"Tout le monde a désormais la sensation que ceci est vicié (...) le plus sain est qu'on recommence tout à zéro", a estimé Mario Baudry, avocat de Veronica Ojeda, ex-compagne de Maradona. Selon lui, si toutes les parties se mettent d'accord, un nouveau trio de juges pourrait être désigné en vue de reprendre le procès. Peut-être vers janvier 2026, a-t-il spéculé.
Difficile de percevoir a priori à qui bénéficierait un report, pour de longs mois, d'un procès qui déjà avançait péniblement, à raison de deux audiences par semaine. Et où la majorité des témoignages, quelque 40 à ce jour, ont surtout convergé vers le piètre niveau de soins, d'équipement médical, sur le lieu de convalescence fatal de Maradona à Tigre (nord de Buenos Aires). Sans pour autant dessiner, à ce stade, un clair niveau de responsabilité, ou d'intentionnalité.
Les accusés, qui déclinent toute responsabilité dans le décès, encourent 8 à 25 ans de prison. Seule une d'entre eux a été -brièvement- entendue à ce jour depuis le début du procès.
"Nous sommes la risée du monde, mais c'est ça notre justice en Argentine", s'est désolé Me Baudry.