20h22 CEST
10/08/2024
Au crépuscule d'une monumentale carrière, le sélectionneur des Bleues Olivier Krumbholz, un "Monsieur" selon ses joueuses, décroche une troisième médaille olympique à défaut d'un deuxième titre, et laisse au handball féminin un héritage peut-être plus important encore: un énorme succès populaire.
Éphémère international français, Olivier Krumbholz est devenu l'éternel entraîneur de l'équipe de France féminine, la sortant des tréfonds pour la mener au sommet du handball, championne olympique à Tokyo en 2021.
Si son départ semble acquis, le coach de 66 ans n'a pas voulu le confirmer au sortir de la finale perdue contre la Norvège, voulant "laisser la primeur de sa décision aux joueuses". Mais de l'hommage rendu par les quelque 26.600 personnes du stade Pierre-Mauroy à celui de ses protégées, tout s'est passé comme s'il avait vécu là, dans cette atmosphère grandiose malgré l'échec, le dernier chapitre d'une carrière magnifique.
"Ca reste un Monsieur, quelqu'un d'exceptionnel", a souligné la demi-centre Tamara Horacek. "Je lui souhaite le meilleur pour la suite, (...) j'aurais préféré qu'il finisse sur une victoire, mais tout son parcours est remarquable".
- Quart de siècle -
Arrivé en 1998, il remporte dès l'année suivante une première médaille mondiale, en argent, puis un premier titre en 2003. Après plusieurs autres médailles, européennes et mondiales, il pousse ses Bleues sur un premier podium olympique en 2016, en argent, déjà.
Fin 2023, ses Bleues remportent un troisième titre mondial, après celui de 2017, venant compléter une armoire à trophées désormais bien garnie avec aussi un sacre européen en 2018.
Peu importe qu'il parte aujourd'hui ou demain finalement, car d'une sélection en bas de l'échelle, il léguera à son (ou sa) successeur, un quart de siècle plus tard, une machine à gagner.
Mais plus encore que les trophées, cet artisan de la gagne a retenu l'atmosphère jamais vue auparavant, dans la transcendante arène lilloise, théâtre de deux nouveaux records d'affluence pour des matches féminins (26.538 en quart contre l'Allemagne, 26.664 en finale): une "immense consécration".
Krumbholz retiendra aussi la demie contre la Suède, la victoire "la plus extraordinaire" de sa carrière, de par le scénario, mais aussi grâce au public envers lequel il se sentait redevable: "on avait très peur de ne pas ramener une médaille".
- "Macho gueulard" -
Le Lorrain, joueur international aux neuf sélections dans les années 1980, a commencé comme entraîneur avec Metz, son club, par cinq titres de championnes de France.
Personnage à l'image de "macho gueulard", au "caractère novateur et rigoureux, mais très dur", comme le décrivait avant Tokyo Philippe Bana, actuel président de la fédération, Krumbholz a progressivement mis de l'eau dans son vin - dont il est fin connaisseur.
Marié à une ancienne internationale (Corinne, née Zvunka), il a seulement quitté les Bleues lors d'une parenthèse entre 2013 et 2016. Cette pause, il l'a mise à profit pour changer son management.
Raphaëlle Tervel, championne du monde 2003, parle d'un Krumbholz alors "très directif", capable d'éruptions de colère: "C'était +plus je t'en fous et plus j'attends que tu réagisses+, un mode de management qui correspondait au début des années 2000 mais plus à aujourd'hui."
- "Je sais maintenant m'effacer" -
Davantage dans le partage, Krumbholz n'est plus forcément le remonteur de bretelles qu'il était.
"Elles prennent des décisions, je sais maintenant m'effacer pour les laisser construire certaines stratégies", a-t-il expliqué avant la finale. Avec son expérience il sait aussi que "le ciment d'une équipe n'est pas l'amitié mais l'exigence réciproque".
Humble et ému, l'homme à la carrure imposante et aux lunettes bleues l'a été devant l'hommage rendu par tout un stade, poussé sur le devant de la scène par la capitaine Estelle Nze Minko, "triste" de voir que le staff n'avait pas pu être sur le podium.
"Je ne sais pas ce que fera Olivier par la suite, mais en tout cas, de recevoir cette ovation du public, il le mérite tant, (...) il est au cœur de notre projet", a-t-elle souligné.
D'habitude distant, on a vu le coach enlacer ses joueuses, "un moment où on fait tomber les barrières", a expliqué la gardienne Laura Glauser. "Ça reste une personne humaine, il avait besoin de nous, comme nous on avait besoin de lui".